Quelque articles...12/2005
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"Sans dire toujours son nom, sous des habits divers, le concept d'évaluation s'est introduit et a fait peu à peu son chemin dans le système éducatif français. Mais la diversité des approches, l'insuffisante rigueur de certaines démarches, la confusion des genres et parfois des acteurs sont autant de freins à l'enracinement d'une véritable « culture » de l'évaluation.

Plus spécifiquement, dans le système scolaire français, subsiste un problème majeur : la reproduction, consciente ou inconsciente, d'un modèle traditionnel et, de ce fait, l'assimilation de toute évaluation (des enseignants, des établissements, des territoires ou des organisations), à la notation et au classement des élèves. Il en résulte souvent une interprétation biaisée chez l'évaluateur et des réticences spontanées chez l'évalué".

Le rapport annuel des inspections générales de l'éducation nationale est largement consacré au thème de l'évaluation. C'est que celle-ci, dans le cadre de la loi Fillon et de la loi de finances (LOLF) devient un outil de pilotage du système éducatif français, comme il l'est devenu dans d'autres pays développés.
Le rapport aborde les différentes évaluations : des académies, des établissements, des enseignants et des acquis des élèves. Au niveau académique, il met en évidence la nécessité d'une approche territoriale. "
Les évaluations de l'enseignement dans les académies ont mis en lumière la disparité et l'hétérogénéité des territoires qui les composent.

Pour qui souhaite évaluer le fonctionnement du système, la prise en compte du niveau infra-académique et même infra-départemental apparaît comme une nécessité, pour plusieurs raisons. D'une part, l'approche par les territoires permet de mesurer l'écart entre les politiques nationales, relayées par l'échelon académique, et les perceptions ou les applications locales. D'autre part, le territoire est le lieu où s'élaborent les stratégies d'établissement et où se constituent les réseaux, qu'ils soient officiels ou non. Les établisse- ments de toute nature y interagissent, dans un rapport de complémentarité ou plus souvent de concurrence.
Mais ce territoire représente aussi un enjeu, en termes d'aménagement, pour les élus et les décideurs locaux, qui entendent intégrer son développement à leur propre stratégie. Enfin, c'est un espace qui « cristallise » du temps : celui d'un parcours scolaire de la maternelle au baccalauréat, parcours accompli le plus souvent par l'élève dans les limites d'un territoire, auquel lui-même et sa famille restent fréquemment attachés". Les premières évaluations confirment l'importance de cette approche : " c'est à l'intérieur d'un territoire homogène, dont les contraintes spécifiques ont été clairement identifiées, que l'autorité académique doit constituer une offre de formation cohérente.
Cette cohérence de l'offre passe nécessairement, à chaque niveau d'enseignement, par une articulation entre des pôles de spécialité reconnus et une recherche constante de la complémentarité. Elle exige aussi un principe de continuité, particulièrement important quand il s'agit de l'offre de langues vivantes" .

Elle met également en évidence les ruptures de continuité dans le suivi des élèves. Ainsi " les livrets de l'élève, au demeurant inégalement renseignés et souvent peu informatifs, sont transmis au collège mais rarement exploités ou consultés. La défiance compréhensible des enseignants de collège à l'égard des préjugés et des a priori rend du même coup fragile toute idée de suivi et de progrès sur le long terme. Les projets personnalisés d'aide et de progrès (PPAP) mis en place à l'école élémentaire pour les élèves en difficulté ne sont pas poursuivis au collège. Tout au long de ce parcours semé d'obstacles et de ruptures, l'élève, pourtant toujours le même, n'est pas suivi, ou, pour utiliser un jargon contemporain, n'est pas « tracé ».
D'une structure à l'autre, des outils différents (livret, dossier, bulletins) encadrent une section de ce parcours total, mais ne peuvent rendre compte de la réalité d'un cursus entier. L'absence de suivi de cohortes réelles sur le long terme est lourde de conséquences à la fois pour les autorités académiques, les chefs d'établissement et les enseignants, qui, privés de cette vision du devenir de leurs élèves, sont condamnés au pilotage à vue, dans un système discontinu et, volontairement ou non, « oublieux ».
Cette absence d'un suivi individuel systématique, qui nécessite une identification unique de chaque élève tout au long de son parcours, est sensible en particulier pour les élèves « décrocheurs » qui sortent prématurément du système scolaire public".

Le rapport préconise également de nouveaux procédés pour l'évaluation des établissements et des pratiques enseignantes ce qui les amène à définir la "liberté pédagogique" fixée par la loi Fillon. Ils posent aussi la question du rôle du chef d'établissement dans l'évaluation des enseignants. " Il est un autre point sur lequel les protocoles et les pratiques d'inspection fluctuent : le degré jusqu'auquel le chef d'établissement est associé à l'inspection individuelle d'un enseignant.
Dans le respect de la note de service de 1983 qui exige que l'inspection prenne en compte « l'ensemble des activités de l'enseignant », inspecteurs et chefs d'établissement coopèrent largement pour l'échange d'informations, aussi bien en amont de l'inspection que dans ses prolongements. Mais, dans l'académie de Toulouse les inspecteurs généraux ont noté que « si les principaux de collège accompagnent les inspecteurs dans la classe, les proviseurs ne le font que rarement, ce qui est regrettable ». Cette présence du chef d'établissement dans la salle de classe le jour de l'inspection reste une pratique qui relève du simple usage. Les progrès de cette pratique traduisent très exactement les progrès de la culture du « pilotage partagé » à tel endroit, de la même façon que son inexistence à tel autre révèle les réticences que cette culture peut encore susciter.
En tout état cause, aucune prescription formalisée n'est venue à ce jour inscrire cet usage dans le champ du réglementaire. Dans la distribution des rôles entre les acteurs de l'évaluation des professeurs du second degré, la place et la fonction du « chef d'établissement pédagogue » restent en attente de définition". Ils invitent également à recueillir la parole de l'élève. " C'est en interrogeant les élèves, en observant le cadre de la classe et les productions des élèves que l'inspecteur peut établir un bilan correct" .

http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/054000766/index.shtml

L'évaluation au coeur du rapport annuel des I.G.

 

"Nous avons voulu comprendre d'abord quel regard on porte aujourd'hui sur l'évaluation scolaire. Il apparaît clairement qu'elle est bien une aire de soupçons et d'ambiguïtés".
Raoul Pantanella ouvre ce numéro 438 des Cahiers pédagogiques dédié à l'évaluation des élèves par sa remise en cause. "On peut voir d'abord combien la mesure des acquis scolaires est aléatoire, faussement précise et assurée, et combien tout le monde sait cela mais fait comme s'il convenait de l'ignorer obstinément".

Et le numéro en donne des exemples. Pierre Merle montre, ne nous en déplaise, que cette mesure dépend aussi de variables subjectives comme les arrangements d'établissement, le climat de la classe, la prise en compte de cas personnels. Pour lui, "la notation est l'un des chaînons des prophéties autoréalisatrices positives ou négatives car elle exerce une influence considérable sur le comportement des élèves en classe et sur leurs attentes à l'égard des professeurs et de l'école". Philippe Perrenoud appelle donc les enseignants à piloter les apprentissages au lieu de se perdre dans "la guerre des notes". Jean-Martial Fouilloux se demande si l'évaluation telle qu'elle est pratiquée est en cohérence avec l'éducation démocratique.

Voilà des paroles dures à entendre parfois ! Les Cahiers donnent alors la parole à des enseignants de terrain qui partagent avec nous leurs expériences. Elles peuvent aller de la ceinture des pédagogies institutionnelles en orthographe au portfolio. A noter par exemple ces réflexions sur l'évaluation à l'oral, l'épreuve d'invention au bac de français ou encore la dissertation de philosophie. Les outils officiels n'échappent pas à la critique. Ainsi, pour R. Guichenuy, "les outils fournis par l'institution (Casimir, Jade) risquent de tourner au pensum. Les enseignants ne se les approprient pas. Par contre, s'ils sont le fruit
du travail d'une équipe, intégrés dans un projet pédagogique, ce sera le cas".
http://www.cahiers-pedagogiques.com/numero.php3?id_article=2031

 L'évaluation des élèves

 

Pour l'Inspection, l'effet établissement passe par leur chef : "Il convient. d'accentuer les efforts entrepris, en améliorant la formation initiale au management et en accentuant l'effort de formation permanente. Demain plus encore qu'aujourd'hui, un responsable d'EPLE devra être capable d'impulser les choix pédagogiques de l'établissement, d'assurer une gestion financière affinée, pour se dégager des marges de manouvre dans le cadre de la LOLF, de négocier des conventions locales équilibrées, voire avantageuses avec la collectivité territoriale de rattachement, d'animer des équipes dépendant de plusieurs employeurs".
Selon le rapport de synthèse des visites d'établissements publics (EPLE : collèges et lycées), publié par les I.G. Jean-François Cuisinier et Thierry Berthé, les inégalités de résultats entre établissements relèveraient d'abord de pilotages de qualité différente.
Ils relèvent de fortes différences entre établissements. Plus que l'effet taille, peu crédible à leurs yeux, ou le poids des inégalités sociales, très perceptible mais remédiable, le pilotage d'établissement leur semble être le facteur clé de l'effet établissement.
Les établissements qui réussissent sont entraînés dans des politiques actives. "Des politiques pédagogiques de prise en charge collective et organisée des élèves en difficulté obtiennent des résultats positifs dans des collèges de profil différent (centre ville, ZEP, rural). La volonté de prendre en charge l'hétérogénéité des élèves par des actions individualisées et des dispositifs adaptés qui ne soient pas conçus et organisés comme des filières cloisonnées, constitue la pierre angulaire des projets d'établissements qui obtiennent de bons résultats et s'appuient sur un ensemble de démarches complémentaires" affirme l'Inspection.
Elle décèle trois conditions de réussite : "d'abord l'importance donnée à la classe comme lieu d'apprentissage et de socialisation : une attention forte est apportée à la composition des classes, à leur fonctionnement et à l'évolution des résultats en cours d'année; ensuite, la mise en ouvre de pôles valorisants : classes musicales, classes européennes, classe équitation, classe bilangue; enfin, la prise en charge des difficultés des élèves : heures de soutien systématiques en 6ème, organisation en 6ème et en 5ème d'une classe à effectif allégé pour des élèves plus lents, 4ème de soutien et 3ème d'insertion". C'est particulièrement vrai au collège où des établissements sont montrés en modèles : ils assurent une liaison avec les écoles du quartier, aident les élèves, organisent des sorties culturelles etc.
Le rôle du CDI apparaît particulièrement important : " La présence d'un CDI actif, bien équipé et accessible est un atout pour les élèves" particulièrement pour l'apprentissage des TICE.

Est-ce à dire qu'il faille en finir avec les politiques globales de type ZEP ? Les inspecteurs ne le pensent pas, mais... " Globalement, les performances des collèges semblent reposer sur un fort déterminisme socioéconomique. Il est contrebalancé par la qualité du pilotage des établissements, notamment par les moyens alloués par l'administration et par la faculté d'entraînement du chef d'établissement auprès de ses équipes administrative et pédagogique. Cela paraît justifier les efforts entrepris jusque-là pour assurer la mixité sociale et pour renforcer les moyens à disposition des élèves les plus défavorisés. Peut-être faut-il aller encore plus loin, qualitativement, dans ces deux directions, mais aussi mieux détecter, former et soutenir les futurs cadres dirigeants des collèges.".
ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/syst/igaen/rapports/2005-105_synthese_eple.pdf
l'effet établissement

 

L'apprentissage et l'évaluation mais autrement pour J. Nimier

"Si l'apprentissage à 14 ou 15 ans est inacceptable dans les conditions actuelles, il soulève des questions pressenties par l'opinion publique: comment faire évoluer le temps de la scolarisation en augmentation sans couper les jeunes du monde des adultes, rendant ainsi l'entrée dans le travail plus difficile?; comment augmenter l'investissement des jeunes pour le travail scolaire? ; comment rapprocher l'école de la vie? ; comment élargir notre conception de ce que nous avons à apprendre?" Jacques Nimier n'essaie pas de défendre l'apprentissage à 14 ans voulu par le gouvernement. Mais, pour lui, "l'opposition entre les professionnels qui sont, dans leur ensemble, contre cet apprentissage et l'opinion publique qui, elle, est majoritairement pour, au moins pour les enfants des autres!, nous oblige à réfléchir et à complexifier la question en la replaçant dans un contexte plus large. Il ne suffit pas d'être "pour" ou "contre" mais il faut essayer de comprendre ce qui se joue là".

Et pour lui, ce qui se joue c'est le temps des apprentissages dans la vie. "Actuellement la scolarisation est souvent "linéaire", d'un bloc: on apprend et ensuite on va travailler. Réfléchissons à une organisation qui permettrait davantage d'allers et retours. Ainsi pour ce qui nous concerne, nous enseignants (il faut bien balayer devant sa porte!), n'y aurait-il pas intérêt à avoir des temps intermédiaire entre études et travail, ou conjointement à eux, sous forme "d'aide aux devoirs", "d'aide à l'éducation" , de "surveillance" "d'aide à l'enseignement" etc. Il faudrait rendre obligatoire un tel parcours et non le réserver à ceux dont les études ne peuvent être payées par les parents. Ce serait offrir aux jeunes l'occasion d'expérimenter le métier d'enseignant et de s'assurer qu'ils en ont les capacités. Cela permettrait à l'Institution de recruter d'une façon plus pertinente".

J. Nimier ouvre un nouveau dossier sur l'évaluation avec un article de Claude Thélot . Pour lui, "plaider pour que l'évaluation et ses résultats aient des conséquences en interne, c'est-à-dire aide les acteurs du système éducatif à améliorer leurs pratiques au service d'une École plus efficace et plus juste, cela n'est concevable que si les acteurs disposent d'une certaine autonomie. L'évaluation est dans cette perspective la contrepartie naturelle, et même nécessaire, de l'autonomie". A voir également dans ce dossier un article sur la docimologie, une réflexion sur les sanctions et sur l'évaluation elle-même : que dit-elle à l'élève ?

http://perso.wanadoo.fr/jacques.nimier/
http://perso.wanadoo.fr/jacques.nimier/apprentissage_a_14_ans.htm
http://perso.wanadoo.fr/jacques.nimier/dossier_evaluation.htm

L'apprentissage et l'évaluation mais autrement pour J. Nimier