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Evaluation par objectifs, les points Lomer

 

http://michel.vauquois.free.fr/Presentation.html

 

Avant-propos

Les Points Lomer sont inscrits au Projet d'Etablissement de notre collège depuis 1999. Depuis cette date, ils concernent la plupart des disciplines et impliquent cette année 18 enseignants. Utilisés par des équipes pédagogiques constituées d'enseignants volontaires, les Points Lomer sont mis en œuvre dans deux classes de 6° et une classe de 5°, classes dans lesquelles presque toutes les matières sont évaluées suivant le principe des Points Lomer. Les Points Lomer sont également utilisés par quelques professeurs à titre individuel dans d'autres classes et d'autres niveaux (en anglais dans d'autres 5°, en math en 3°, en allemand dans toutes les classes, etc.).

Les questions que nous nous sommes posées

Outre les nombreux problèmes que soulève la notation traditionnelle (en particulier les problèmes de fiabilité) et qui sont exposés dans tous les ouvrages consacrés à la docimologie, nous nous sommes posé les questions suivantes :

Comment redonner un peu - ou, pourquoi pas, beaucoup - d'estime de soi chez des élèves en grande difficulté ? 

Comment informer clairement et simplement les élèves, même les plus en difficulté, des savoirs et des savoir-faire qu'ils paraissent avoir acquis pour invalider définitivement les jugements du type “ Je suis nul en math ” (ou ailleurs... ) ?

Que signifie ce fameux 10 sur 20 qui semble satisfaire tout le monde, élèves, parents, administration et souvent professeurs ?  Signifie-t-il que l'élève ne sait faire que la moitié des tâches qui lui sont demandées, auquel cas on peut se demander qui accepterait qu'un mécanicien automobile ne sache remonter que la moitié d'un moteur de voiture ! Signifie-t-il autre chose et dans l'affirmative, signifie-t-il la même chose dans chacune des disciplines ? Signifie-t-il la même chose pour tous les enseignants d'une même discipline ?  Signifie-t-il la même chose pour un même enseignant dans telle classe jugée "faible" et dans telle autre jugée "forte" ?

Comment rendre plus efficace la correction d'un contrôle, d'un exercice ou d'un devoir ? Comment rendre à la correction son véritable statut - faire acquérir à l'élève les savoirs et savoir-faire qui lui manquent - et lui permettre de prouver ensuite qu'il maîtrise ces savoirs et savoir-faire ?

Comment peut-on simplifier le travail de toute personne (membre de la famille, voisin, aide-éducateur, surveillants, responsable d'études dirigées, etc. ) voulant aider un élève ? Comment aider cette personne à répertorier rapidement les difficultés de l'élève ? Quelles informations peut-on apporter grâce à l'évaluation des productions de l'élève ?

Tel exercice portant sur telle compétence vaut 4 points sur 20 dans le devoir de M.X tandis que le même exercice vaut 8 points sur 20 dans le devoir de M.Y. M.X redonne dans un nouveau devoir le même type d'exercice auquel il attribue cette fois 6 points sur 20 pour des raisons de barème… Comment éviter qu'une même compétence soit évaluée aussi différemment d'un enseignant à l'autre voire même chez un même enseignant suivant le moment.

L'élève A ne sait pas calculer une longueur manquante dans un triangle rectangle grâce à la propriété de Pythagore et a obtenu 0 sur 8 à l'exercice qui lui était proposé en janvier. Après remédiation ou simplement travail personnel, ce même élève maîtrise parfaitement le sujet quelques semaines plus tard et le prouve en obtenant 8 sur 8 à l'exercice destiné à contrôler l'acquisition de cette compétence : le principe des moyennes fait que l'échec primitif est pris en compte au même titre que la réussite ultérieure alors que finalement, il maîtrise aussi bien cette compétence que celui qui a réussi dès la première fois.

Bien pire encore serait la situation de cet élève si, dans la deuxième évaluation, l'exercice ne valait plus que 4 points : dans ce cas, sa réussite ne compterait alors que pour moitié par rapport à son échec primitif… Comment peut-on éviter de pénaliser un élève qui met plus de temps qu'un autre à acquérir tel savoir ou savoir-faire ? Comment diminuer voire éliminer l'impact d'un échec sur une réussite ultérieure ?

Ayant estimé que la notation traditionnelle ne répondait pas - ou qu'elle y répondait beaucoup trop partiellement - à nos questions, nous l'avons abandonnée au profit des Points Lomer qui nous paraissent résoudre bon nombre des problèmes exposés ci-dessus.

Nos objectifs

Redonner une signification commune aux notes, quelle que soit la matière ; rendre transparents, aux yeux de tous les membres de la communauté scolaire, et en premier lieu aux yeux des élèves eux-mêmes, le principe d'évaluation adopté ainsi que la note inscrite chaque trimestre sur les bulletins scolaires ; développer l'autonomie des élèves ; valoriser les savoirs et les savoir-faire de chaque élève ; modifier chez les élèves, en particulier chez les élèves en difficulté, la perception très négative qu'ils ont parfois d'eux-mêmes et les remotiver ; faciliter l'aide individualisée.

Les Points Lomer

Chaque élève dispose pour chacune des matières concernées de grilles de compétences ayant deux fonctions :

- elles récapitulent les compétences que devrait posséder l'élève à la fin de l'année scolaire et précisent les objectifs qui lui sont fixés, en conformité avec les programmes officiels.

- elles sont un outil de communication entre les enseignants, les élèves, les familles et les personnes responsables des études dirigées et du soutien.

Chaque ligne d’une grille énonce une compétence exigible et permet le report des résultats de l'élève aux différents exercices d'évaluation grâce au codage suivant :

- deux points verts indiquent que le jour du contrôle de telle ou telle compétence, l'élève a largement atteint l'objectif qui était fixé ;

- un seul point vert indique qu'il a atteint l'objectif malgré une maîtrise imparfaite ;

- un point rouge indique qu'il n'a pas atteint l'objectif mais qu'il n'en est pas très loin ;

- deux points rouges indiquent que tout est à reprendre concernant l'objectif en question.

Outre des réévaluations effectuées lors d'un contrôle collectif ultérieur, des professeurs de certaines disciplines organisent des séances de réévaluation "à la carte" au cours desquelles un élève peut choisir lui-même la ou les compétences sur lesquelles il souhaite être évalué à nouveau.

A la fin de chaque trimestre, il n'est tenu compte, en cas de plusieurs évaluations d'une même compétence, que du dernier résultat obtenu par l'élève, ce que l'on pourrait traduire par : "Aux dernières nouvelles, l'élève savait (ou ne savait pas)..."
La transcription en note sur 20 (i.e. celle qui figure sur le bulletin trimestriel) se fait grâce à un "convertisseur" paramétré par les enseignants et qui permet de transformer les nombres de doubles points verts, simples points verts, simples points rouges et doubles points rouges de chaque élève en note sur 20, le convertisseur utilisé étant le même pour tous les enseignants d'un même niveau. Par ailleurs, les élèves qui le souhaitent disposent de ce convertisseur, ce qui leur permet de suivre l'évolution de leur note.

Le paramétrage de ce convertisseur a été établi de telle façon que la note 10 soit attribuée à un élève ayant 65 % de simples points verts et au maximum 15 % de doubles points rouges.

Le principe “c'est le dernier résultat qui compte” que nous avons adopté nous a amenés à inscrire sur les bulletins des 2ème et 3ème trimestres la note correspondant aux résultats obtenus par l'élève depuis la rentrée scolaire : en particulier la note du 3ème trimestre traduit donc la position de l'élève par rapport au "contrat" que représente la liste de toutes les compétences évaluées dans l'année.

La note inscrite sur les bulletins n'est donc pas à proprement parler une note trimestrielle puisqu'elle ne traduit pas, sauf au 1er trimestre, les résultats de l'élève au cours du trimestre écoulé.

Insistons sur le fait que cette note n'est pas le résultat d'un calcul plus ou moins obscur faisant intervenir des coefficients arbitraires, calcul réalisé sur des notes diverses et variées : elle est le résultat donné par le convertisseur uniquement à partir des points verts et rouges, ce que peuvent facilement contrôler les élèves.

Information des parents

Une réunion, destinée à informer les parents des élèves des classes de Sixième concernées et à répondre à leurs questions, a lieu la deuxième semaine suivant la rentrée scolaire.

Notons que plus de 90% des parents ont assisté aux réunions organisées en 1999 et 2000. En septembre 2002, 22 % des parents ne se sont pas déplacés, beaucoup d’entre eux ayant assisté aux réunions des années précédentes.

Enquête auprès des élèves et de leurs familles : en fin d'année, deux questionnaires différents sont destinés à évaluer notre pratique : le premier est rempli par les élèves de Sixième, le second étant complété par les parents de ces élèves.Ces deux questionnaires sont destinés à mesurer la façon dont a été ressentie l'évaluation pratiquée, en quoi elle a pu avoir des effets positifs ou négatifs sur les méthodes de travail et la motivation de l'élève, sur l'aide que les familles ont pu apporter aux enfants, sur les difficultés rencontrées lors de la préparation d'un contrôle et sur la clarté des compétences énoncées dans les grilles. Des questionnaires dépouillés en juin 2002 (53 élèves de Sixième), il ressort que :

- 96 % des élèves ont estimé que les grilles leur ont permis de mieux organiser leurs révisions en prévision d’un contrôle et 78 % ont estimé que les Points Lomer leur ont permis de voir facilement leurs difficultés et de travailler en conséquence tandis que 67 % des parents ont indiqué avoir pu aider leur enfant dans ses apprentissages. L'objectif de facilitation des apprentissages et de l'aide à ces apprentissages paraît donc au moins partiellement atteint.

- le libellé des compétences figurant dans les grilles a été bien compris par 98 % des enfants (21 % signalent cependant des difficultés de lecture dans certaines matières) et 86 % des parents.

- les enfants à 94 % ont reconnu être sensibles aux points rouges et aux points verts récoltés, ce qu'ont confirmé 94 % des parents. C'est bien entendu une pierre dans le jardin de ceux qui prétendent qu'en dehors des notes, point de salut !

- 89 % des élèves ont jugé que le principe du "c’est le dernier résultat qui compte" est juste contre seulement 61 % des parents. Cette différence notable s'explique sans doute par la sensibilité très forte des enfants aux injustices ! et nous conforte dans l'idée que ce principe doit être maintenu.

- 28 % des enfants ont souhaité que les réévaluations soient plus nombreuses (la généralisation des contrôles à la carte a fait chuter cette demande formulée par plus de 70 % des élèves les années précédentes). Notons que suivant les disciplines, la proportion de compétences réévaluées est très variable, l'horaire de la discipline étant le facteur essentiel de cette variabilité et qu'il paraît, dans ces disciplines, difficile de répondre au vœu ainsi exprimé par les élèves.

- 47 % des élèves ont souhaité se retrouver l’année suivante dans la classe de Cinquième fonctionnant avec des Points Lomer tandis que 35 % des parents ont demandé à ce que leur enfant soit inscrit dans cette Cinquième et qu’autant, 35 %, donnent libre choix à leur enfant.

Nos conclusions provisoires

La forte demande de réévaluation exprimée par les élèves, y compris par ceux qui étaient en grande difficulté en début d'année (demande que l'on trouve également chez bon nombre des élèves des autres niveaux dans les matières où sont pratiqués les Points Lomer) nous conforte dans l'idée que nous avons touché ici un point extrêmement sensible.

Quoi de plus frustrant effectivement que d'avoir compris mais trop tard, après la correction ! Les Points Lomer limitent cette frustration en donnant l'occasion aux élèves, autant qu'il est possible de le faire, de véritablement se rattraper et nous pensons avoir atteint de cette manière deux de nos objectifs : valorisation des réussites et remotivation d'une partie des élèves en grande difficulté.

La transparence que nous avons instaurée autour de la note figurant sur les bulletins scolaires grâce au convertisseur unique pour toutes les disciplines pratiquant les Points Lomer nous paraît avoir modifié le regard des élèves sur l'évaluation : plusieurs élèves ont suivi aisément l'évolution de leur note dans les disciplines concernées et ont agi en conséquence, ce qui a contribué au développement de leur autonomie et à leur responsabilisation.

Nous avons également pu noter que les corrections étaient prises très au sérieux par beaucoup d'élèves et s'avéraient plus efficaces que dans une évaluation traditionnelle.

 

Commentaire personnel

Depuis maintenant deux ans je fonctionne à peu près sur ce mode en classe de Seconde : pas tellement la question des points, mais sur la demande de réévaluation. Tout élève qui n’a pas compris ou qui n’a pas suffisamment travaillé peut demander à être réévalué dans les quinze jours qui suivent un devoir (interrogation écrite ou DS). Ceci permet d’avoir des résultats en hausse sensible et de progresser beaucoup plus vite en termes d’objectifs. Ca demande du travail de correction mais le jeu en vaut la chandelle (F. Laroche, 05/05).